Musicien, voyageur et bon vivant, Stéphane Voisin est un passionné de la guimbarde depuis plusieurs années. Réalisateur d'une méthode de cet instrument de parole disponible chez Djoliba, il est aussi le facteur d'une méthode sur le didgeridoo.
Souvent présent sur des festivals européens, il propage le plaisir du jeu de la guimbarde en initiant les curieux avec une passion vissée au corps et souvent joviale.
Ami et personnage atypique, nous l'avons interviewé pour en savoir un peu plus sur ce zigoto de musicien.
Depuis quand pratiques-tu la guimbarde ? Et joues-tu d’autres instruments ?
En 1992, j'ai commencé à pratiquer le didgeridoo, la guimbarde et le chant diphonique en autodidacte. De travailler l'un, me faisait travailler les autres : chacune de ces techniques sont très similaires car elles fonctionnent sur le langage. C'est pourquoi les méthodes de didgeridoo et de guimbardes sont intitulées :"instruments de parole"...
Dans ta méthode de guimbarde, tu traites du B-A BA afin que son utilisateur développe son propre langage. Est-ce que ces bases t’ont été transmises ou as-tu découvert ton propre manière d'enseigner ?
Dans la méthode, la première partie (dite du B-A BA), traite de ce que tout le monde peut découvrir facilement par lui-même en explorant l'instrument ... en prenant le temps bien sûr !
Il était nécessaire, pour une méthode d'apprentissage, de commencer par le début. Par contre (et pas "en revanche") la deuxième partie propose un travail nouveau, y compris pour des gens pratiquant la guimbarde depuis longtemps, car elle développe les techniques d'épiglotte utilisées au Rajasthan (Inde) pour rythmer les mélodies.
Or, ces techniques ne sont pas encore courantes sous nos latitudes. Dans notre jeu traditionnel, c'est le souffle en aller/retour qui donne le rythme ; c'est intéressant mais très fatiguant et difficile à véritablement maitriser (comme sait le faire John Wright par exemple), de plus lorsque l'on joue un rythme ternaire, l'accent du rythme est alternativement mis sur un souffle inspiré puis expiré.
Le souffle et le rythme sont directement liés, et la gestion de l'air se situe uniquement au niveau du diaphragme. Dans le cadre des techniques du Rajasthan, c'est l'épiglotte qui contrôle tout les éléments du souffle en s'appuyant sur le diaphragme.
Cela donne une précision redoutable aux rythmes - sans fatigue et avec une colonne d'air toujours en place. Le contrôle du rythme se situe dans la glotte et n'altère aucunement les harmoniques.
On peut également utiliser un souffle expiré ou inspiré pour une même cellule rythmique et gérer de concert sa respiration (on a quand même besoin de respirer !)
Un des buts de cette méthode est d'enrichir notre patrimoine culturel en donnant la possibilité de rythmer n'importe quelle mélodie de notre répertoire traditionnel sans en modifier l'authenticité.
Qu’est ce qui t’a poussé à réaliser ce support ? Et quelles difficultés particulières as-tu rencontré ?
J'ai commencé à vendre des guimbardes sur les marchés des festivals il y a 9 ans, pour financer mes voyages d'étude. Puis, peu à peu, je me suis rendu compte que "l'accroche du client" était vraiment liée au style de jeu que j'utilisais. Je me suis donc dis qu'il fallait aussi donner la possibilité aux gens d'apprendre ce style.
Il s'est passé quatre ans entre le moment où j'ai pensé à faire une méthode et sa réalisation. C'est surtout le processus pédagogique qui posait problème ; comment partir d'ici pour arriver là et vice versa.
C'est finalement en "pratiquant l'enseignement" qu'à un moment donné j'ai pu voir clairement les étapes nécessaires par lesquelles passer pour avancer marche par marche.
J'ai aussi eu un cobaye (mon frère Pierryves), qui m'a aidé sans le savoir, à fixer les choses ; aujourd'hui, c'est lui qui avec sa pratique des tablas, me montre de nouveaux rythmes ...
Au chapitre 4 du livret d’accompagnement, tu expliques un solfège inventé pour l’occasion ou tu adaptes quelque chose d’existant ? Adapter le solfège « classique » européen n’a pas été concluant ?
Il n'est effectivement pas possible d'utiliser le solfège pour "écrire" une partition de guimbarde ; il y a trop d'éléments non répertorié par le solfège pour cela.
De plus, ce chapitre propose uniquement une écriture de l'aspect rythmique, en lien avec les actions de l'épiglotte. Tout ce qui concerne le chant des harmoniques (les mélodies) a été explicité précédemment.
A partir de quel âge peut être utilisé ta méthode ? Et as-tu des retours sur son utilisation ?
Je dirais qu'à partir de 10-11 ans ça peut marcher. Néanmoins, la manière dont j'ai conçu cette méthode exige de la part de l'auditeur d'ouvrir ses oreilles ; beaucoup de choses sont livrées très directement, mais c'est seulement dans une véritable écoute que l'élève va efficacement avancer.
Pour l'instant, les retours sont plutôt positifs (voire enthousiastes pour certains), mais je tiens juste à préciser que ce que je défends, c'est la valeur pédagogique. Je n'ai aucune prétention artistique et là où je me sens à ma place, c'est dans l'acte de transmission d'un savoir. Point !
Pour parler chiffons, tu entretiens tes guimbardes comment ?
Bien essuyer sa guimbarde après avoir joué, et éventuellement passer une fine couche d'huile de paraffine pour prévenir l'oxydation (causé par la salive et la sueur des mains, ndlr), mais si on a quelques guimbardes à entretenir les essuyer suffit.
Que conseilles-tu d’écouter pour un novice de la guimbarde ?
Ça dépends du novice : s'il veut apprendre à jouer, qu'il écoute les musiques qui lui plaisent, qu'il les siffle entre ses dents, puis qu'il fasse la même chose avec sa guimbarde.
Si il veut écouter de la guimbarde, alors qu'il écoute tout ! Gwendal, John Wright, Les musiques Tuva, du Rajasthan, de l'Inde du sud, des ethnies H'mong du Vietnam, qu'il aille sur les forums et sites communautaires de joueurs de guimbardes, etc.
Enfin, tu prépares une suite ou un format DVD de ta méthode ? Ou ce sont d’autres projets qui t’animent ?
La suite ou le format DVD ne sont pas pour tout de suite, par contre un site dédié aux flûtes doubles (du Rajasthan, Sind, Balouchistan ...) ainsi qu'un DVD d'initiation aux techniques de jeu traditionnelles ... là je dis pas...
© Jimmy Braun / Djoliba – Janvier 2007