Interview d'artistes : Melena

Interview d'artistes : Melena

Melena | La conga en jupon

Stevie Wonder, Barry White, Julio Iglesias, Alex Acuna, Isaac Hayes, Chucho Valdes & Irakere, ou Francisco Aguabella, la liste des collaborations de Melena est impressionnante et colorée.

Musicienne d’origine cubaine vivant aux Etats-Unis depuis son enfance, Melena est une percussionniste montante de ces dix dernières années.

Présente essentiellement dans la variété et le latin jazz, elle a su s’imposer dans la rude volière masculine des percussionnistes.

Contre tous les tabous et guidée par la passion, la divine Melena a tous les attraits d’une musicienne complète, qui pourrait donner la leçon à plus d’un jeune coq.

Quand as-tu commencé la percussion ?

J’aime les tambours depuis que je suis petite fille. Je me rappelle que cela concorde avec mon arrivée de Cuba aux Etats-Unis à l’âge de cinq ans.

J'ai commencé à jouer le tambour principalement au lycée. Après le lycée, j'ai commencé à prendre des leçons de percussions latines avec Luis Conte. C’est le premier artiste qui m’a encouragé et donné les bases pour travailler la musique et les tambours.

J’ai débuté par les congas, les timbales et le bongo. Ensuite, pour approfondir, je suis allé au pays, à Cuba. Le but était d'étudier avec des percussionnistes différents et rencontrer un maximum de musiciens. Mes voyages m’ont donc donné l’occasion de travailler avec des ensembles comme le Conjunto Folklorico Nacional de Cuba et le Conjunto Clave y GuaGuanCo.

Pour l’enseignement en cours particuliers, j’ai été l’élève de Regino Jimenez, Roberto Vizcaino, Miguel « Anga » Diaz, José Miguel Melendez, Pepe Espinosa et Yaroldy Abreu. Lors de ma dernière visite à Cuba, qui remonte à 2001, j'ai étudié principalement les Batas, à Matanzas, avec Daniel Herrera.

Qu’est-ce qui t’a poussé à devenir percussionniste professionnelle ?

Au départ, Je n'ai jamais spéculé sur un jeu professionnel. J’ai juste voulu apprendre, en étant poussée par la passion. Ma carrière s'est produite comme un processus normal, sans forcer les choses. J'ai commencé à m'asseoir dans un réseau et à jouer avec des groupes locaux. Tout cela de manière naturelle, avec pour seule intention de partager la musique et vivre de bons moments.

J'ai commencé à jouer avec des ensembles de musiques latines et mon premier mentor était Papo Conga. Il m'a vite accepté sous son aile, en me faisant jouer aux congas et aux timbales. Il m’a poussé à continuer dans une voie, celle de la pratique régulière et de la scène.

J'ai appris grâce à lui l’articulation précise d’un morceau de musique et les normes qui régissent des styles comme le latin jazz ou la Charanga.

Ma première grosse scène, au côté de Barry White en 1996, a aussi stimulé ma voie. Tout s’est enchaîné et les occasions de jouer sont devenues moins occasionnelles.

J’ai alors décidé de continuer à me perfectionner en 1997, avant de reprendre plusieurs tournées : avec Macy Gray de 1999 à 2001, avec Julio Iglesias en 2002 et avec Chayanne en 2004.

Pratiques-tu principalement les congas dans tes formations actuelles ?

La conga est mon instrument de prédilection, mais je pratique vraiment un set de percussions aujourd’hui. Il est parfois difficile d'équilibrer ma pratique. Vu le nombre d’instruments que je joue (et souhaite jouer), le travail nécessaire à leur étude et le temps que demande la scène, je me dis qu’il n’y a pas assez d’heures dans une journée.

J'essaye tout de même de pratiquer au moins sur un instrument différent quotidiennement. Mais je dépense beaucoup de temps principalement sur les congas, les timbales et les batas.

Les jours où je ne suis pas à travailler l’instrument, la musique reste en contact avec moi par d’autres moyens. Je lis des articles, écoute des disques, visualise des méthodes vidéo, ou alors je vais jammer avec d’autres musiciens.

Quel est ton père spirituel ou ton guide musical ?

Mon inspiration spirituelle c’est Dieu, ma famille et mes ancêtres. J’en tire beaucoup de force, d'amour et de spiritualité.

En examinant ton parcours musical, on se rend compte que tu as travaillé avec de nombreux artistes, dans des contextes totalement différents. Quelles rencontres te laissent les plus beaux souvenirs ?

Je me remémorerai toujours ma période avec Barry White. Il était très attachant et me donnait beaucoup d’attention. Que ce soit musicalement ou humainement, cette période a été majeure. D’abord par l’ampleur d’une star qui a un charisme fabuleux. Ensuite parce qu’il s’agissait de ma première expérience où il fallait adapter la percussion afro-cubaine à la musique R&B.

Ma collaboration avec Stevie Wonder a aussi été un grand moment. J’écoutais sa musique depuis longtemps et c’était un instant magique pour moi ! Ce musicien a une énergie puissante ! Et je vivais à cet instant une expérience incroyable, comme une bénédiction dans ma carrière musicale qui débutait.

Enfin, il y a eu aussi des souvenirs nombreux et sensibles avec Eva Ayllon et Peru Negro.

Étant donné qu'une grande majorité d’artistes est masculine (surtout dans le monde de la percussion), est-ce que c’est quelquefois difficile d'être une femme musicienne ?

Oui, il est très difficile parfois pour une femme musicienne de s’intégrer. Parce que le plus souvent, lors de la première rencontre entre musiciens et musiciennes, on vous sous-estime et alors peuvent naître des quiproquos.

Mais en général tout se passe bien ! Surtout lorsque l’on va à l’essentiel et qu’ils m’entendent jouer. Le rapport de force disparaît et l’on communique sur la même longueur d’ondes. Après on rencontre aussi des musiciens craintifs. Ils pensent qu’on leur pique la vedette, vu que c’est encore plutôt rare pour le public de voir des femmes percussionnistes, surtout dans les musiques latines.

Heureusement, tout le monde n’est pas comme ça, mais pour se faire une place le niveau de jeu doit être très élevé et fait de précision.

Tu as des percussionnistes favoris ?

J’aime bien particulièrement les percussionnistes : Tata Guines, Carlos « Patato » Valdes, Roberto Vizcaino, Giovanni Hidalgo et le regretté Miguel « Anga » Diaz.

Quels conseils donnerais-tu à un(e) débutant(e) en percussion ?

Avoir une pratique journellement et être rigoureuse. Aussi, je crois qu’il est important de rester attentif et étudier le plus possible, sans perdre la musicalité. Il faut aussi chercher la connaissance auprès des maîtres, les rencontrer, les écouter et apprendre de chacun.

Pour finir, quels sont tes projets en cours et futurs ?

Je viens de terminer mon premier album. Et avec mon groupe « Afro-Cuban Essence », nous sommes en tournée nationale et internationale. Vous pouvez écouter ma musique sur mon site http://www.melena.com/music.html

J'enseigne également les percussions régulièrement, soit par des leçons privées, soit lors de workshops. Je travaille aussi dans des ateliers plus spécifiques, orientés vers la jeunesse en difficulté et son épanouissement. (« At Risk Youth » et « Positive Evolution for Youth »).

© 2017 Jimmy Braun / Djoliba / Melena – (première publication Septembre 2007 sur Percussions.org)