Musicien présent depuis le début des années quatre-vingt, Miguel Gomez est l’un des meilleurs percussionnistes de la scène musicale latino parisienne. Doublé d’un spécialiste chevronné des styles afro-caribéens, il est reconnu par les plus grands, pour son identité sonore et son perfectionnisme.
Il a eu l’occasion d’accompagner les plus grands de la salsa mondiale ou de la Caraïbe à dix-sept ans, en rejoignant l'Alfredo Rodriguez Sextet pour une série de concerts en Europe aux timbales. A cette époque, il fait la connaissance de celui qui sera le premier de ses grands maîtres absolu aux congas, Carlos « Patato » Valdès, auprès duquel il aura tout le loisir de se perfectionner pendant deux ans.
Sans limitation de style, il se produit avec de grands noms du jazz, tels que Sixun ou Don Byron ainsi qu'en variété internationale avec Samy Goz et Cyrius Martinez. Il joue aussi avec Camilo Azuquita, Chocolate Armenteros, Ernesto Tito Puentes, Henri Guédon, Papaito, Peruchin Jr., Roberto Torres, Beethova Obas, Yuri Buenaventura, Dédé St Prix, Ralph Thamar, Claude Vamur, Jean-Michel Cabrimol et la Mafia, Ti Fock, Alfredo Cutufla y su charanga nueva, Sabora son, Eddie Martinez, Zouk Machine, Mario Canonge, Edith Lefel, Césaria Evora, Calypso Dirty Jim's ou Africando.
Flash-back : Découvrez ou redécouvrez une interview de l'artiste réalisée par l'équipe Djoliba-Percussions.org en 2006. Cet entretien a été fait à l'occasion de la sortie de l'album "Ketukuba" d'Africando, dans lequel Miguel Gomez a occupé la place de chef d'orchestre et conguero pendant plusieurs années.
« Le tambour à mon sens s’apprend exactement comme on le ferait d’une langue étrangère, faite d’inflexions, d’accents toniques et d’un sens précis du phrasé. » Miguel Gomez
Quel constat fais-tu sur ta carrière, sachant que tu as côtoyé les plus grands très tôt ?
J’ai eu une chance inouïe d’avoir l’environnement musical à la fois dans ma famille –mes parents étaient tous deux musiciens – et grâce aux opportunités de rencontre qui se sont effectuées à l’époque. Je dois beaucoup à ma mère, elle même pianiste qui a su m’imposer une exigence de travail qui ne m’a jamais quitté. C’est elle qui m’a appris à discipliner l’apprentissage de l’instrument.
Je dois beaucoup au métro et ce n’est pas qu’une boutade ! A quatorze ans, impatient d’avoir un public, je jouais de la conga dans la rue et le métro, c’est là que j’ai appris le Gwo-ka avec les antillais. C’est comme cela que j’ai été « repéré » par le pianiste cubain Alfredo Rodriguez, qui m’a offert l’occasion d’un de mes premiers gigs à la Chapelle des Lombards.
A quinze ans, aux timbalès. Au congas, il y avait ... « Patato » Valdès ! Que je n’ai plus quitté, durant les deux ans où nous avons joués ensemble [lors de sa résidence artistique à Paris, ndlr.]. C’est lui qui m’a vraiment appris mon métier. Force est de constater qu’aujourd’hui la musique afro-cubaine est beaucoup moins bien représentée dans les clubs et dans la rue. L’environnement surtout pour un instrument comme le nôtre où l’apprentissage par la tradition orale est primordial, cela compte beaucoup. Or je ne suis pas certain que les élèves qui abordent l’instrument aujourd’hui puisse avoir autant d’occasions de recueillir cette transmission fondamentale : le tambour à mon sens s’apprend exactement comme on le ferait d’une langue étrangère, faite d’inflexions, d’accents toniques et d’un sens précis du phrasé.
Qui t'a initié et passionné pour le tambour ?
Patato m’a appris la scène, l’improvisation et le jeu, mais si l’on parle d’initiation au sens fort et musical du terme, je la dois tout autant à José Luis Quintana « Changuito », que je considère aujourd’hui encore comme mon maître et ami en percussion.
Changuito connaît tout du tambour parce qu’à la base avant d’être le timbalero exceptionnel connu pas ses méthodes et par les disques, où il joue avec Los Van Van, il fut tout d’abord un conguero extraordinaire. Mais aussi un musicien de génie doté d’une connaissance parfaite de toute l’étendue du monde de la percussion latine.
Ceux qui ont eu la chance de le voir au moins dans leur vie sur une batterie s’en souviennent encore. Il m’a tout appris de la technique. Même si en développant son système, j’ai éprouvé le besoin de me parfaire dans la connaissance du style portoricain par la suite avec Giovanni Hidalgo et Jerry Gonzalez.
Miguel GOMEZ et Carlos "Patato" VALDES.
Comment en es-tu venu à travailler avec Africando ?
C’était en 1995, par l’intermédiaire de Mario Canonge [pianiste antillais] qui m’a recommandé à Ibrahim Sylla, le producteur de ce groupe déjà légendaire. Un beau jour, j’ai été convoqué dans son bureau. Il voulait une équipe soudée autour du groupe et surtout un chef d’orchestre capable de la diriger, tout en jouant les congas.
A l’époque, je me produisais le plus souvent sous mon nom avec une grande formation. C’est donc tout naturellement que je lui ai proposé mon équipe. Sous l’impulsion de Boncana Maïga, l’arrangeur des disques, les chanteurs rôdés au studio autant qu’à la scène ont pris avec nous l’assurance et l’aura qui les a propulsés sur toutes les plus grandes scènes du monde.
Miguel GOMEZ avec José-Luis QUINTANA "CHANGUITO" et Henri GUEDON à R.F.O.
Est-ce une nouvelle direction ce dernier album d'Africando ? Et que signifie "Ketukuba" ?
Ketu est une petite ville du Bénin, un des berceaux de la tradition et de la culture Yoruba. Quant à Kuba, tout le monde comprend…. Africando a développé son concept afin d’être le « Fania All Stars des chanteurs africains », grâce au fait que dans toute l’Afrique il y existe une culture de la musique latine développée depuis des lustres. Tout part de là bien entendu à partir des rythmes de l’Afrique de l’Ouest. Mais il y a eu également des échanges interactifs avec la caraïbe où ces rythmes se sont développés notamment par l’esclavage.
Grâce à la rumba, qui reste une musique commune, même si elle a ses spécificités distinctes de part et d’autre de l’Atlantique. Grâce également aux tournées marathon des plus grands groupes cubains comme L’orchesta Aragon ou Los Van Van qui n’ont pas arrêté de sillonner les routes de l’Afrique depuis les années soixante, créant ainsi nombres d’émules.
Le terme Ketukuba renvoie donc aux origines mais il sous entend en même temps que ce retour à un africanisme toujours plus présent est revisité par le top du son latino New-yorkais. En effet Sylla n’a pas hésité à faire appel à la crème des arrangeurs dans ce domaine : Nelson Hernandez qui a supervisé toutes les réalisations de l’album.
"Ketukuba", Africando. Syllart Prod./Discograph (2006)
Quel set de percussions utilises-tu avec Africando ?
Avec Africando, j’utilise : Un set de 3 ou 4 congas Latin Percussion sur stand de la série Galaxy (modèles en bois). (Soit 2X 13’ 3/4 et 2X 12’ 1/2). Pour cette configuration, j’ai besoin d’une précision maximale du son et surtout de « coffre ». J’utilise parfois des peaux animales. Mais sur scène, uniquement des peaux L.P d’origine, parfaites pour la facilité de jeu.
Quels sont les disques que tu conseillerais pour un Top Ten Salsa ?
Si je devais m’exiler sur une île déserte, voilà ce que j’emporterais avec moi. Je te les cite dans le désordre : Manolito y su Trabuco, « Pasaporte » le disque d’Anga et de Tata Guïnes, le double live au Zénith Africando, Rhizome de Mario Canonge, tous les Los Van Van (C’est trop dur d’en choisir un seul !), « Ready for Freddy » : Patato avec Alfredo Rodriguez, puis tous les Mongo Santamaria (idem que pour los Van Van), « Ya Yo me Cure » de Jerry Gonzalez, « Yambequé » de la Sonora Poncena, et Maraca y Otra Vision.
Quels sont tes projets ?
La musique Latine live n’est pas assez représentée à Paris et comme je te l’ai dis, je trouve qu’il est capital d’assurer la transmission du message aux jeunes musiciens. Mon but pour l’instant est de me battre pour que mon quartet et toutes les autres formules de ma formation (Septet et autres) puisse exister en live.
Dans la musique que je défends chaque musicien a besoin de donner dans l’improvisation spontanée toute l’étendue de son vocabulaire. Tout en gardant concentrés le maximum d’énergie et de fraîcheur. Un univers de fête et de Descarga qu’on retrouvera tôt ou tard sur un Album…
GNONNAS Pedro, Sékouba BAMBINO et Miguel GOMEZ au Bénin.
Un grand ponte de la percussion afro-cubaine nous a quitté il y a quelques temps. Tu as quelques mots à dire sur la disparition de Miguel "Anga" Diaz ?
J’aimerai rendre hommage à Anga pour la générosité de sa personnalité dans tous les sens du terme à la fois dans son jeu et dans sa façon d’être dans la vie. Tout autant que dans son ouverture à toutes les musiques à travers son empreinte africaine.
Je l’avais invité sur le disque de Gnonnas Pedro « Agbadja » où ce très grand soliste et virtuose m’avait fait l’honneur de jouer les timbalès. De sa participation au grand groupe Irakéré à son album Echu Mingua, il a eu un parcours hors du commun. Il nous manquera toujours !
© Djoliba / Jimmy Braun / Miguel Gomez.
Entretien réalisé en Novembre 2006 à Paris.
Site Internet de l'artiste | http://www.miguel-gomez.com