Le Venezuela n'est pas si loin !
Personnellement la première fois que j'ai entendu les phrasés et les frappes de Gustavo Ovallès sur un disque (avec Omar Sosa au piano), je suis tombé sous le charme.
Mélodiste, coloriste, stable, véloce et inventif... ce ne sont pas des termes trop élogieux pour qualifier ce percussionniste vénézuélien, santero (1) , fils d'Obatala (2) et percussionniste attitré d'Omar Sosa durant 5 ans. Aujourd'hui en plus des concerts et des stages (conga, culo'e puya, bata, maracas), Gustavo Ovallès travaille sur la création d'une école de percussions à Caracas au Venezuela.
De nature discrète et souriante , c'est à l'occasion d'une invitation comme guets-star, pour un concert du groupe lorrain Akakombé (de retour du Festival de Percussions de Bamako 2003), que nous avions rencontré Gustavo Ovallès après un concert bien métissé !
Flash-back : Découvrez/Redécouvrez une interview de l'artiste réalisée par l'équipe Djoliba/Percussions.org en 2003.
Est-ce que tu peux nous expliquer ton parcours musical en quelques mots ?
C'est un peu compliqué - parce que tout à commencé depuis ma petite enfance vers l'âge de 6 ans et aujourd'hui j'ai 35 ans (en 2003, ndlr). J'ai commencé par la percussion grâce à mon père, ma mère, mon frère, tout le monde jouait chez moi ! (sourire). Nous sommes une famille de musiciens !
Tu as uniquement travaillé les percussions ?
Oui ! Au début je ne jouais que des percussions, surtout le bongo et les maracas, puis vers l'âge de 17 ans j'ai débuté l'étude du violoncelle pendant 5 ans en tant qu'élève au Conservatoire de Caracas. (Venezuela).
Mon professeur de violoncelle m'a conseillé un jour de plutôt continuer les percussions que je pratiquais depuis enfant, et il m'a dit « Tu sais Gustavo, tu joues bien ! Mais ton niveau par rapport aux professionnels du monde entier est trop petit ! » (rire).
Alors j'ai travaillé de plus en plus les instruments à percussion.
Puis après le Conservatoire de Caracas, j'ai été invité en France par une chorégraphe durant 6 mois, à Nantes, pour travailler avec sa Compagnie de Danse. C'était la première fois que je venais en France.
Je suis reparti ensuite au Venezuela, et revenu en France quelques-temps après pour travailler avec Orlando Poléo, avec son orchestre, à Paris.
Après je suis revenu pour travailler avec un groupe de français qui faisait de la musique africaine. Pierre Marcaut m'avait contacté pour que je viennes pendant une année en résidence, afin de travailler sur le spectacle Peau d'âme avec TamTam Mandingue.
Maintenant j'habite en France.
Quel est le musicien ou les musiciens qui t'ont le plus inspiré ?
Il y en a plusieurs mais c'est d'abord mon père ! Mon premier professeur c'est mon père ! Il est maracero et ensuite c'est mon frère qui est timbalero. Mais la religion a aussi beaucoup aidé à mon éducation musicale. Je suis santero (1) et fils de Obatala (2).
Il y a aussi Benigno Medina, qui m'a beaucoup influencé, il a un tambour sacré ! Et également Miguel Urbina, mais aussi Pierre Marcaut, dont le jeu m'a fait dire « Wouha ! Je veux faire du djembé ! Je veux jouer comme ça ! ». Et puis il y a Orlando Poleo qui a été un de mes premiers professeurs de conga et des percussionnistes comme Esteban "Chachá" Vega Bacallao (du groupe Los Muñequitos de Matanzas), Tata Güines , Richie Flores, Giovanni Hidalgo , Changuito, m'ont influencé aussi beaucoup. J'adore leur musique.
Dans les différents soli que tu as fais ce soir, j'ai remarqué que ton jeu allait un peu dans la direction de Miguel "Anga" Diaz. Etant donné que tu résides en France, as-tu rencontré ce percussionniste cubain ?
Oui, je connais bien Miguel ! C'est grâce à lui que j'ai commencé à jouer avec le pianiste cubain Omar Sosa vers la fin de l'année 1997. Au début de mon arrivée en France j'étais souvent à Paris et Miguel m'a demandé si je pouvais le remplacer pour travailler avec Omar Sosa car Miguel n'avait pas le temps.
On a essayé et voilà... depuis on a enregistré plusieurs albums et fais plusieurs tournées dans le monde. Mais maintenant c'est une nouvelle direction, notre dernier disque c'est un live en duo. Le disque n'était pas prévu et nous étions en tournée au Japon, mais le son de l'enregistrement était tellement bon que nous avons décidé de l'éditer. Les japonais sont vraiment bon pour ça ! Pour le moment nous ne travaillons plus ensemble et l'album en duo live était notre dernier disque.
Avec l'expérience que tu as aujourd'hui, qu'est-ce que tu conseillerais à un jeune ou jeune percussionniste qui voudrait aller dans ta direction, tes sillons ?
Je lui dirais qu'il faut travailler les tambours batas ! La tradition surtout ! (sourire)
Vu que tu as bien roulé ta bosse avec des concerts dans le monde entier durant quelques années, quelles sont les difficultés principales que tu as rencontré ou les choses qui t'ont le plus étonné dans ta vie de musicien, de percussionniste ?
C'est surtout la vision des gens sur la musique traditionnelle. Je vais te donner un exemple : si tu joues dans un contexte de jazz, là on va te payer correctement, tu auras des hôtels magnifiques, mais si tu joues dans des festivals de World Music là c'est pas pareil ! Là on mange mal, c'est pas bien... l'ambition n'est pas la même, c'est une ambition étrange...
Ou alors j'ai remarqué aussi qu'au maracero on posait plus facilement le genre de question : « ah ! c'est bien ce que tu fais ! mais ton métier c'est quoi ? » (rire).
Enfin, quels sont tes futurs projets ?
Mon projet actuel, en plus des stages dispensés à Marseille, c'est une école de Musique à Caracas. J'ai envie d'y créer des stages, des cours réguliers, afin de faire des échanges entre le Venezuela et la France. J'ai fondé une association qui se nomme Roraima*, du nom des montagnes.
On construit actuellement l'école et je veux y organiser des stages de percussions et de danse. Parce que la danse et la percussion sont complémentaire ! Mais aussi le chant, sans être un super chanteur ! Mais il faut connaître des chants pour être à l'aise ! Et si tu ne connais pas quelques chants, tu ne peux pas jouer.
Dans cette école j'aimerais bien y apporter des tambours djembés pour permettre aux enfants de Caracas de découvrir cet instrument africain. Au Venezuela on ne connaît pas le djembé comme ici ! Et ça serait intéressant de travailler des instruments de plusieurs cultures.
Alors je suis à la recherche de dons au niveau d'instruments, de matériel divers. J'ai déjà acheté quelques tambours afin de les apporter en décembre 2003 au Venezuela et suivre les fondations de mon école.
© Jimmy Braun / Djoliba [Entretien avec Gustavo Ovallès, le 07 novembre 2003, à Laxou (fr.)] - 2003-2017
Eléments discographiques :
- Ayaguna, Omar Sosa & Gustavo Ovallès (duo) - [2003 -OTA1010, Night and Day, dist. Midnight Sun]
- Sentir, Omar Sosa [2002-OTA1009, Night and Day, dist. Midnight Sun]
- Bembon, Omar Sosa [2000-OTA1007, Night and Day, dist. Midnight Sun]
(1) Santero : sorte de shaman d'un culte très populaire d'origine africaine ( la santería ). Le santero ou babalao dialogue avec les esprits/divinités (orishas) du panthéon afro-cubain pour assurer santé et protection. La santería est le nom christianisé de la Regla de Ocha-Ifà, nom du sytème cultuel lucumi-yoruba. La Santeria est une religion de syncrétisme entre les pratiques religieuses animistes africaines et le catholicisme hispanique.
(2) Obatala : Père de tous les Orishas (divinités du panthéon afro-cubain) et de l'humanité, il règne également sur l'esprit. La source de la pureté, de la sagesse, de la paix et de la compassion. Obatala use de son côté guerrier afin de rendre justice dans le monde. Sa couleur est le blanc.