Entretien : 10 minutes avec Guem
"Je veux faire chanter la percussion" Guem
Guem (aka Abdelmadjid Guemguem) est un percussionniste, musicien et danseur né en Algérie, originaire de Batna dans les Aurès. Arrivé dans les années 60 en France, Guem a été le chantre des percussions ethniques auprès du plus grand nombre, notamment avec le groupe phare Guem & Zaka Percussion à la fin de années 70.
Sa vision particulière du tambour et de l’art des percussions n’a pas été la tasse de thé de tout le monde dans le milieu de la Percussion. Loin des rats de laboratoires érudits du rythme, la musique de Guem avait pour but d'être populaire et "sans prise de tête". Malgré lui, il a inspiré un grand nombre de musiciens amateurs et professionnels et a participé à l’accessibilité des percussions du monde qui a connue son apogée dans les années 90 avec la vague du djembé et de la darbouka.
C’était à l'occasion du premier concert de la tournée Master of Percussion, de passage à Strasbourg le 22 mai 2003, que nous avions rencontré Guem en coulisses. Courte rencontre, dix minutes devant-nous pour faire un entretien, coincés entre les balances de sa formation et celle des Tambours de Brazza et un show-case chez un disquaire célèbre du coin.
La soirée s'annonçait chaleureuse et le public a répondu présent, même pour un jeudi soir et en pleine période d'examens, la salle de La Laiterie à Strasbourg avait un taux d'entrée assez acceptable pour un jour de semaine.
Il y avait des gens de tous âges, pas mal de musiciens de la région, dont deux représentants de l'ensemble contemporain Les Percussions de Strasbourg.
Même avec la qualité sonore très moyenne de la salle et son côté terne, le public avait l'air assez content de sa soirée, les avis étaient mitigés, entre une préférence pour le show des Tambours de Brazza, qui avaient l'avantage d'avoir une chorégraphie entraînant les corps dans une danse assurée pour une soirée festive. Nous avons eu aussi droit à une petite première partie de la part de la troupe Sokan de Strasbourg.
Bonjour Guem, pourrais-tu nous dire comment tu as eu le déclic pour les percussions ? A quel moment tu as commencé ?
Guem : Tout le monde a commencé à la naissance ! On a tous tapé pour sortir ! ... mais le déclic il est venu comme ça ... parce-que autour de moi, dans ma famille il y avait une habitude dans le jeu de certaines percussions réservées à la transe. Mais ensuite j'ai développé personnellement mon style.
Quel(s) instrument(s) tu as débuté à l'origine ?
Guem : des instruments de type grosse-caisse, mais en même temps on jouait avec tout ce qui faisait du bruit ! des boîtes de conserves, des tonneaux, des bidons….
Quels autres instruments, à part les percussions, pratiques-tu ?
Guem : je pratique la guitare, le violon et le luth, mais principalement chez moi, au calme pour le plaisir.
Dans plusieurs interviews, on peut remarqué que tu parles d'une certaine adoration pour le football ? Est-ce que pour toi la percussion est une sorte de sport ?
Guem : Oui... Mais j'aime le sport en général, et bien sûr la percussion c'est une sorte de sport, il faut être en bonne condition physique ! Sinon on ne tient pas ! Il y a la rapidité, le placement des mains... tout ça demande une bonne préparation comme un sport.
Tu te prépares donc avant de jouer ?
Guem : Oui tout à fait, sinon je ne tiens pas !
Est-ce que tu te considères comme un percussionniste de tradition, de folklore ou contemporain ?
Guem : Non ! Le traditionnel je l'enseigne, mais la musique que je fais c'est ma musique, ma propre vision.
Je ne fais que ma musique, la tradition c'est quelque-chose de plus précis, axée sur un instrument par exemple, ou un style.
Moi ce qui m'intéresse c'est le rythme en général et créer ma musique. Donc je mélange toutes sortes d'instruments et je fais ma musique en apportant autre-chose que l'utilisation traditionnelle.
J'ai remarqué dans plusieurs librairies de Paris, il y a un certain temps, qu'une méthode à ton nom avec un enregistrement cassette était en vente. Penses-tu refaire une méthode prochainement ?
Guem : Non pas du tout ! Je préfère que les gens jouent par eux-même, directement sans passer par une méthode. D'ailleurs j'ai rapidement cessé l'édition de cette méthode.
De tous les artistes percussionnistes du passé et d'aujourd'hui, quels percussionnistes écoutes-tu en particulier ?
Guem : Je n'écoute pas de percussionnistes en particulier.
Chaque être à quelque chose à dire, j'écoute de tout et je n'ai aucune préférence pour l'un ou l'autre, on écoute ou on écoute pas, on n'aime ou n'aime pas.
Moi j'écoute de tout, je n'ai aucune préférence en particulier, j'écoute aussi bien Carmina Burana que de la percussion !
Dans ton dernier disque, Rose des Sables, on peut remarquer qu'il contient deux remix, l'un de Frédéric Galliano et l'autre de Oscar. Que penses-tu de ces remix fais à partir de tes morceaux ?
Guem : (sourire) ça dépend... on ne peut pas dire que je trouve tout génial, j'aurais aimé plus de place pour les percussions.
Après avoir joué en boîte de nuit plusieurs fois il y a longtemps, j'ai remarqué qu'il fallait montrer aux gens que la percussion avait aussi sa place au sein d'un groupe, même si c'est un remix... apprendre à laisser la place à la percussion.
C'est pour ça que je ne me consacre et que je ne fais que de la percussion dans mes concerts, car je voulais depuis longtemps redonner une place à la percussion, uniquement à la percussion.
Je ne veux ni de chant, ni de danse, on risque de retourner dans le traditionnel, même si j'aime la danse, la chanson et les autres instruments. Je veux faire chanter la percussion.
Par rapport au disque Master of Percussion dont ta tournée fait l'objet actuellement, on retrouve dans cette sorte de compilation des artistes célèbres et d'autres moins célèbres. Des gens comme Mamady Keita, Adama Dramé y figurent... Mais "Master of Percussion" c'est quoi en gros ?
Guem : Le but de se projet c'est de montrer que chaque être à quelque chose à dire, qu'il soit plus ou moins connu. Nous avons décidé avec "Follow Me Records" de faire un album ouvert et donner la parole à des gens différents.
Ensuite que l'on n'aime ou pas c'est autre chose... dans ce disque tout le monde s'exprime à sa manière et c'est l'objectif de "Master of Percussion", montrer des artistes de musique du monde, différents.
L'interview que nous venons de réaliser sera en ligne sur le site internet Percussions.org où nous avons des membres venus de tous les coins de la France et de Navarre. Je leur ai proposé de te poser des questions. Voici donc deux questions de K-Nard et de C.Drick
Pour commencer une question de K-Nard de Toulouse : Où est-ce que tu te situes percussivement parlant, pas professionnellement, mais intérieurement, au fond de ton être ?
Guem : Je me situe... comme citoyen du monde, un humain comme tout le monde, ni plus ni moins...
Question de C.Drick de Paris : Quelles sont tes sources d'inspiration ? et quelles sont tes méthodes de composition ?
Guem : Mes sources d'inspirations elles viennent de la nature tout simplement. Je compose entièrement grâce à la nature, aux histoires que je vis, que j'ai vécu... c'est ça... je suis entièrement autodidacte et je n'écris pas la musique. Pour moi la musique c'est une passion et quand on est passionné on y arrive !
C'est pour ça que tu as des titres dans tes albums, comme Abeille, le Serpent... ?
Guem : Oui voilà par exemple...
Quels conseils donnerais-tu à des jeunes musiciens, des débutants percussionnistes ?
Guem : Partager, jouer et le faire simplement. Quand on a une passion il faut partager et échanger... chacun à quelque chose à dire ! Quand on a un savoir, une passion, on a envie de le partager !
Enfin est-ce que tu aurais un message à passer à la population, un message adressé à tous, même aux non-musiciens ?
Guem : Le message qui me tient à coeur c'est la paix dans le monde ! Pourquoi compliquer les choses ? Il y a de la place pour tous... et le plus important pour la paix c'est de respecter les autres et de ne pas compliquer les choses !
© 2017 Jimmy Braun / Djoliba / Première publication originale sur Percussions.org 05/2003